Crée en juillet 2023, l’association ALDE-NC a pour objet la promotion de l’emploi local mais plus spécifiquement la lutte contre les discriminations faites à l’embauche envers les natifs calédoniens.
A l’instar de la HALDE (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité) métropolitaine crée en décembre 2004 puis dissoute en 2011, pour être remplacée par le défenseur des droits, la ALDE-NC vise elle aussi à défendre les personnes dont les droits n’ont pas été respectés en identifiant les pratiques dites discriminatoires afin d’y apporter des solutions et de permettre à tous, plus particulièrement aux natifs calédoniens, une égalité de traitement lors de la phase d’embauche, cela afin qu’ils puissent accéder à un emploi correspondant à leur profil.
Notre projet associatif :
La première mission que s’est assignée l’association vise ainsi à recueillir et à relayer l’ensemble des témoignages des natifs calédoniens victimes de discriminations qui affectent de façon insidieuse le vivre ensemble, le destin commun voir même pour certains la cohésion nationale.
L’association considère la lutte contre les discriminations d’autant plus importante que la situation du pays, certes au niveau de l’emploi mais plus globalement au niveau économique et social, n’est pas très florissante.
Le constat :
En effet, bien qu’avec près de 2 000 jeunes calédoniens1 sortant chaque année de l’université, de grandes écoles, voir revenant de France métropolitaine, avec un diplôme de cadre intermédiaire (bac+2) ou cadre supérieur (>bac+3), 60% des cadres travaillant en Nouvelle-Calédonie était recensé par l’ISEE lors de son recensement de 2019 comme des “non-natifs”2, soit environ 20 000 personnes3, amenant la Nouvelle-Calédonie a être dirigée, tant dans le secteur productif privé que dans le secteur de l’administration publique, par des personnes extérieures au pays, plaçant ainsi le territoire en situation de dépendance.
Cette situation n’ayant quasiment pas évolué entre 2014 et 2019, selon l’ISEE. En 2014, 65% des diplômés du supérieur ne sont pas nés en Nouvelle-Calédonie contre 59% en 2019. L’ISEE mentionnant qu‘à diplômes équivalent, les écarts persistent et constate que les natifs voient leurs poids dans les catégories socioprofessionnelles supérieures (CSP+) diminuait tandis que les non natifs sont plus représentés qu’en 2014.
La principale conséquence de cette situation, outre l’observation de discriminations envers les natifs calédoniens à occuper des postes de direction, est la présence de cadres intermédiaires voir supérieurs calédoniens en situation de chômage longue durée, se présentant pour certains au sein de structures dites de la “seconde chance” en vue d’intégrer le marché du travail alors qu’ils ont été formés pour rappel à l’origine afin de remplacer les personnes présentes sur le territoire provenant de l’extérieur.
Toujours selon une étude de l’ISEE, les natifs ayant un haut diplôme sont majoritaires en province Nord et Iles.
L’autre constat étant le non retour des jeunes diplômés ayant quitté le territoire en vue de se former à l’extérieur du pays. Ainsi, sur les 2 000 étudiants quittant chaque année la Nouvelle-Calédonie pour la métropole, une majorité ne reviendrait pas, soit plus de 50%, faute de débouchés sur le caillou sur des postes, encore une fois, occupés par des personnes de l’extérieur, bénéficiant pour certains de renouvellement de contrat récurrents, d’aides à l’installation sur le territoire, d’un logement, etc…
L’ISEE rappelant que pour 100 jeunes non natifs hautement diplômés arrivés sur le caillou sur la période 2015-2019, 84 ont pourvu un poste de CSP+.
Pour ceux occupant un emploi de cadres supérieurs (>bac+3), près de 15% selon une enquête ide l’ISEE occuperait un poste “sous-qualifié”, c’est à dire inférieur à leur diplômes, nourrissant un sentiment de déclassement s’amplifiant au fil du temps.
Il convient ici de rappeler que 42% des enfants diplômés de l’enseignement supérieur ont des parents d’origine ouvrière ou d’employé. Ainsi, toute discrimination équivaut à remettre en cause les efforts de ceux-ci à vouloir un meilleur avenir pour les enfants ainsi que le travail du monde de l’enseignement.
Si l’adage veut que l’ascenseur social soit en panne en France métropolitaine, il est, selon l’association, saboté en Nouvelle-Calédonie.
Pour rappel, la Nouvelle-Calédonie dénombre près de :
– 22 000 personnes sans emploi,
– 30 000 personnes disposant d’un emploi mais présentant une situation dite précaire,
– 100 000 personnes qualifiés de pauvres, soit environ 39% de la population. Un taux de pauvreté comparable à certaines autres collectivités d’outre-mer oscillant entre 30 et 40%.4
Comme en Martinique, chaque fois que nous comptons 3 personnes, 1 est considéré comme pauvre.
– un taux de chômage de l’ordre de 30 à 50% dans 2 de ces 3 provinces,
– un taux de chômage de l’ordre de 50% en terres coutumières,
– environ 60% de la population qui ne payent pas l’impôt sur le revenu (cf. 5 choses à savoir sur l’impôt sur le revenu – Nouvelle-Calédonie la 1ère (francetvinfo.fr).
Malgré cela, l’appel à la main d’œuvre extérieure demeure prédominant et préféré à la formation et à l’embauche de locaux.
Un rapport de 2021 du CNRS constate que les candidats d’origine ultramarine sont discriminés par rapport au candidat d’origine métropolitaine.5
Le taux d’emploi en Nouvelle-Calédonie est toujours selon l’ISEE de 75% pour les non natifs alors qu’il oscille entre 48 à 64% pour les natifs. L’écart de taux d’emploi entre natifs et non natifs s’est même légèrement creusé entre 1989 et 2019.
Sur le caillou, 32 000 emplois sont occupés, selon l’Institut de la Statistique, par des non natifs dont 15 000 par des non natifs ayant moins de 10 ans de présence. Ces actifs travaillant d’avantage dans le secteur public.
Si les natifs font l’objet de discrimination à l’embauche, celle-ci est en réalité multiple et se double comme nous avons pu le voir non seulement selon l’origine sociale mais également selon le genre.
Dans la mesure où, 60% des personnes à l’université suivant un cursus et décrochant un diplôme de hautes études se révèlent être des femmes. Or, les femmes occupent selon l’ISEE moins souvent des postes de CSP+ alors qu’elles sont plus diplômés que les hommes. Les inégalités hommes-femmes démarrant ainsi dès les études. L’article des Nouvelles Calédoniennes du 10 octobre 2023 le résumant parfaitement, mentionnant notamment que sur le Caillou, les calédoniennes pourtant plus qualifiées, sont moins souvent embauchées, se retrouvent davantage en temps partiel et accèdent moins aux postes de responsabilités. (cf.[INFOGRAPHIES] Plus diplômées, les femmes restent plus éloignées de l’emploi | Les Nouvelles Calédoniennes (lnc.nc))
Cette situation est d’autant plus criante pour les personnes handicapés pour lesquelles les entreprises tant publiques que privées préfèrent payer des amendes plutôt que respecter les quotas fixés par la loi.6
Notre objectif :
C’est pourquoi l’association visera en plus de recueillir des témoignages à proposer des solutions dont certaines ont déjà été formulées notamment par le député Le Breton, en 2013, dans un rapport intitulé “Régionalisation emploi outre-mer”, malheureusement restées sans suite7.
1 En 2020, sur 7 000 bacheliers, 4 000 ont intégré l’université, 1 000 ont sont ressortis avec un diplôme bac+2 et 1 000 avec un diplôme bac + 3. Pour les autres, 1 000 ont intégré directement le marche du travail et 2 000 ont quitté le territoire pour poursuivre leurs études notamment en métropole. (Source : ISEE, Synthèse n°59, Les bacheliers calédoniens en études supérieures, 2022, 17p.)
2 INSEE/ISEE, Recensement de la population 2019, atlas, conditions de vie (3.2) – Les diplômés de l’enseignement supérieur
3 Le marché du travail en Nouvelle-Calédonie comptabilisant environ 110 000 personnes dont 90 000 personnes ayant un emploi, pour lesquelles 30% serait des cadres, nous obtenons ainsi près de 30 000 cadres dont 60% étant des “non-natifs” soit 20 000 personnes. (Source : ISEE, Synthèse n°48, Recensement de la population 2019 – Emploi Formation, 2021, 9p.) Il est à noter que depuis 2014, 10 000 d’entre eux aurait quitté le territoire. (Source : NC Eco, Analyse des départs définitifs du Territoire, 2023, 27p.)
4 Les niveaux de vie dans les outre-mer : un rattrapage en panne ? – Sénat (senat.fr)
5 TEPP-rr-21-12-da-sc-yl-rp.pdf (tepp-repec.eu)
6 Comment favoriser l’inclusion des travailleurs handicapés en Nouvelle-Calédonie ? – Nouvelle-Calédonie la 1ère (francetvinfo.fr)
7 Les 25 propositions de Patrick Lebreton sur l’emploi, un casse-tête juridique – Outre-mer la 1ère (francetvinfo.fr)